Искусство

История искусства

Искусство тропической Африки

II partie

Les previsions pessimistes quant a la posibilite de reconstituer 1'histoire de l'art africain semblent a premiere vue justifiees. Si Ton laisse de cote l'art rupestre en prenant directement l'art de l'Afrique Tropicale, on voit que plus nous nous enfoncons dans le passe en nous ecartant de la large strate de la sculpture traditionnelle, moins nous avons de donnees qui deviennent de plus en plus rares et fortuites. Nous ne disposons pour l'analyse diachronique de l'art traditionnel de certains peuples que des donnees d'un seul ou de deux des derniers siecles. Certains foyers de culture, des groupes dis­perses de monuments, des trouvailles de husard, c'est a peu pres tout ce dont nous disposons pour etudier les sources de la culture artistique traditionnelle. La situation s'aggrave du fait que le materiel rare et disparate des'premiers temps ne peut etre utilise que partiellement et avec beaucoup de circonspection, car il est en general fort fragmentaire (monuments de la culture Kisale, statuettes en terre cuite du Mali, sculpture en pierre Ife, nomoli, pomdo, tetes de « mahan jafe », etc., ces monuments epars et incertainement dates sont les seuls temoins de cultures inconnues).

Ajoutons que l'absence d'une trame histori-que suffisamment sure et le caractere specifique des formes precoces de l'art excluent l'emploi des methodes classiques de recherche. Nous ne trouverons pas de tradition artistique sing-ularisee dont Ton pourrait suivre toutes les phases sur un materiel systematiquement date et localise avec certitude. Mais la quantite insuf-fisante, la dispersion et le caractere fragmentaire du materiel ne sont pas les seuls obstacles a une analyse directe des couches chronologiques connues. Cette analyse ne peut etre valable avant tout du fait de l'absence de correlation entre les couches stadiales et chronologiques. En disposant le materiau dans l'ordre chronologique, nous obtenons des series lacunaires. Des deplacements stratigraphiques evidents alternent avec des hiatus de plusieurs siecles, des couches archai'ques recouvrent souvent des couches plus tardives, ces perturba­tions affectant non seulement l'ensemble de la region, mais des secteurs locaux determines (par exemple, des couches de cultures evoluees des Etats d'lfe, Bakuba sont recouvertes par des cultures traditionnelles locales de meme origine ethnique). L'absence de correlation entre les niveaux chronologiques et stadiaux est degagee par 1'analyse formelle et confirmee par les donnees historiques. Elle est dans la plupart des cas trop evidente pour demander une interpreta­tion particuliere. En effet, des genres specifi-ques d'art artisanal correspondant a des formes evoluees d'organisation etatique s'averent dans la plupart descas bien plus anciens que la grande masse des pieces de l'art tribal. Dans le meme temps, il est hors de doute que sur le plan de l'histoire universelle l'art traditionnel precede en tous lieux et de tous temps l'art des artisans de cour. Partout et a toutes les epoques 1'art traditionnel est le substrat general sur la base duquel naissent les formes d'art professionnel. Nous disposons d'un materiau suffisant pour suivre dans le detail ce processus : transforma­tion des artistes traditionnels en artisans de cour avec integration ulterieure en ateliers specialises (l'on peut indiquer par exemple bini, fon, ashanti, bakuba, bamileke).

Bien que nous ne disposions que d'un materiau relativement tardif quant a l'art traditionnel, nous avons toutes les raisons de supposer que cet art existe en Afrique Tropicale depuis aussi longtemps que la societe tribale qui Га engendre avec ses institutions sociales. Le tres abondant materiau reuni a ce jour donne une idee des differentes etapes de developpement de l'art traditionnel, notamment de ses formes archa'iques (masques de cuir des Shilluk, sculp­ture funeraire en terre cuite galla, agni, sculpture de bois primitive eko'i, lobi etc.). L'etude de ce materiel confirme la these d'un ralentissement general du developpement artistique a ses stades initiaux. Nous sommes en presence de tous les indices devolution : transformation graduelle, tres lente des sujets, geometrisation progressive des formes, degagement des styles et des sous-styles, transformation des elements ideog-raphiques sacraux en elements decoratifs, etc. Cependant, tant qu'existe la structure socio-economique primitive, basee sur des liens de consanguinite et de parente, avec la religion et les autres phenomenes de superstructure qui lui sont propres, ces changements n'affectent pas les bases generatrices de formes de l'activite artistique. A tous les niveaux de l'art tradition­nel, partout ou il existe, nous trouvons les memes masques, les statues d'ancetres plus ou moins detailles des images ideoplastiques an-thropomorphes ou zoomorphes stylisees. Pour comprendre la nature de cet art, son degre d'homogeneite, il est necessaire de faire abstrac­tion des caracteristiques stylistiques locales et de faire appel a une analyse de systeme permettant de degager un certain substrat commun. Ce substrat recouyre toutes les particularites externes formelles dont il fait apparaitre le caractere secondaire. L'approche de systeme degage plus nettement la nature non seulement du general, mais du particulier.

Dans l'ensemble, nous pouvons tirer les conclusions preliminaires suivantes :

1) l'art traditionnel qui a survecu jusqu'a nos jours chez la plupart des peuples de 1'Afrique Tropicale a constitue de tous temps la trame materielle de la culture traditionnelle parento-tribale; en d'au­tres termes, la limite chronologique inferieure (XVIIе-XVIIIе ss.) ne definit que le temps de survie du materiel;

2) le substrat de l'art traditionnel est tres homogene et ne subit pas de tranfsormations substantielles dans le sours de 1'evolution des indices secondaires;

3) 1'evolution de l'art traditionnel est ralentie et irreguliere, ce qui fait que les formes archaiques qui sont parvenues jusqu'a nous permettent de juger des etapes initiales de son developpement.

Ceci en се qui concerne 1'art traditionnel proprement dit.

Dans le meme temps l'irregularite du developpement culturel et historique explique 1'absence de correlation entre les niveaux stadiaux et chronologiques. Des Etats et, par voie de consequence, des foyers d'art de cour, apparaissent episodiquement dans le passe. Ces foyers, qui appartiennent au degre posterieur de developpement de la culture artistique par rapport a l'art traditionnel, naissent et s'eteignent periodiquement, engloutis par le flot de la culture traditionnelle qui les a engendres, de meme que les lopins de terre cultivee sont periodiquement engloutis par la foret vierge. II en resulte sur le plan chronologique une inversion episodique de deux couches stadiales correspondant aux societes tribales et aux premieres societes etatiques (art traditionnel et art de cour).

Voyons a present la couche representee par l'art parietal. On peut considerer aujourd'hui comme etabli que les complexes d'art rupestre du Sahara ont ete l'ceuvre de differents peuples, negroi'des notamment, au long de 8 a 10 millenaires. A mesure que la secheresse avan-cait, une partie de la population du Sahara migrant vers le Sud exercait une profonde influence sur le processus d'ethnogenese de l'Afrique Tropicale. Sans entrer dans le detail de ce processus, remarquons qu'il a touche dans une plus ou moins grande mesure l'ecrasante majorite de la population de l'Afrique au sud du Sahara. On ne peut sans doute nommer parmi les tribus existant actuellement et n'ayant pas ou n'ayant ete que peu touchees par ce processus que les Pygmees et les Boschimans.

On cite le plus souvent les Foulbes comme etant les descendants les plus probables des pasteurs du Sahara ancien. II faudrait sans doute leur ajouter certaines peuplades de la famille bantoue.

Les monuments d'art rupestre fournissent les strates les plus anciennes pour 1'etude de la genese et des formes archaiques de l'art africain. L'importance de ce materiau pour la reconstruc­tion de ce phenomene artistique est suffisam-ment confirmee par le fait que les petroglyphes du Sahara, des 8e-6e millenaires avant J.-C., sont les plus anciens des monuments d'art existant actuellement sur le continent africain.

Contrairement a d'autres formes d'art l'art rupestre a une enorme etendue chronologique et ses couches sont relativement et en partie absolument datables. On peut suivre par etapes 1'evolution de la peinture rupestre et des petroglyphes au long de pres de dix millenaires en degageant certaines lois de 1'evolution artistique qui font mieux comprendre le proces­sus de formation de l'art ideoplastique tradition­nel.

Cela ne signifie nullement que le materiel dont nous disposons permette d'etablir une continuite directe, bien que les couches d'art rupestre et traditionnel ne s'ajustent pas seulement mais se recouvrent partiellement (tout au mons au cours des deux derniers siecles). C'est que les peintres rupestres du Sahara des deux derniers millenaires environ se rapportent par leurs indices les plus substantiels aussi bien a l'art de la periode pastorale precedente que l'art traditionnel de l'Afrique Tropicale se rapporte a elles. L'art rupestre de l'epoque du chameau est la derniere phase de 1'evolution de l'art du Sahara tout en etant une branche particuliere representant la tradition artistique libyco-arabo-berbere. Le caractere schematique, symbolique, ideographique de cet art permet de le rapporter a la meme couche stadiale que l'art traditionnel et, partant, de la considerer sous le meme aspect. Cela est confirme egalement par 1'existence parallele des deux traditions que le materiel disponible permet de suivre au long des derniers siecles. Dans la realite la periode bimillenaire d'art parietal libyco-arabo-berbere a vraisemblablement pour pendant une periode au moins egale de traditions artistiques locales en Af rique au sud du Sahara.

Outre ce que nous savons de la periode correspondante de l'histoire des peuples d'Afrique Tropicale, de l'exode vers le Sud des tribus de pasteurs qui sont les auteurs des grands ensembles d'art rupestre du Sahara, nous possedons des temoignages directs, bien que rares, sous forme de monuments artistiques de cultures fossiles (culture Nok, culture Kisale, scuplture de pierre de l'Ouele et autres), qui montrent l'existence en diverses regions de l'Afrique Tropicale dans le premier millenaire apres J.-C. et meme anterieurement (culture Nok) de traditions artistiques fort evoluees. Que les trouvailles de ce genre soient rares ne fournit aucune indication sur la situation i eelle car, premierement, l'Afrique Tropicale est fort peu etudiee sur le plan archeologique, deuxiemement, le materiau utilise en tous lieux par l'art traditionnel est le bois dont la conservation, nous l'avons deja dit, est fort limitee.

Considerant le materiel disponible de l'art traditionnel sur le plan de l'analyse stylistique, le comparant avec ce que nous savons sur le developpement de formes d'art analogues chez les autres peuples, nous pouvons affirmer que l'ideoplastique complexe, les formes geometrisees conventionnelles acquierant un caractere universel de symbole, de signe, les styles bien formes typiques pour l'art bambara, se-nufo, baga, dan, bamiim, bakota, baluba, balunda, makonde et bien d'autres ne peuyent resulter que d'une longue evolution muitiseculaire.

Bien que la limitation chronologique du materiel ne nous permette pas de suivre les etapes successives devolution de cet art en prenant pour echantillon des ecoles artistiques determinees, cette lacune peut etre partiellement comblee, comme nous l'avons mentionne, grace a l'irregularite du developpement regional de l'art traditionnel. Les lois generates devolution des formes plastiques de cette seconde periode, par rapport a la periode des chasseurs et pasteurs, apparaissent dans le cours de l'analyse stylistique des phases successives de l'art rupestre libyco-arabo-berbere. Nous pouvons suivre la, sur un matetiel solidement date, le passage progressif des procedes representatifs d'un style correspondant a la phase terminale de la periode pastorale a des images ideographiques, symboliques et a des signes plus tardifs, qui sont en quelque sorte une projection graphique des formes plastiques de l'art traditionnel. Ainsi, les formes specifiques de la creation artistique traditionnelle sont precedees non pas par l'«epoque de l'art parietal» en general, mais par ses phases initiales, plus ou moins natura-listes (periodes des «chasseurs» et des «paste­urs»).

En d'autres termes, dans le cas considere, le passage d'une forme de representation a une autre (des traces rupestres a la sculpture) ne s'associe pas directement (sur le plan de 1'evolution des formes de representation) au passage d'une periode stadiale a une autre. Pour les nomades du Sahara des Ier-II eme millenaires apres J.-C. qui avaient atteint un niveau de developpement plus eleve que leurs predeces-seurs, l'art rupestre demeure la principale forme d'activite plastique. Mais son caractere subit des transformations considerables. Avec le develop­pement de la pensee abstraite, conformement a la logique de 1'evolution des formes figuratives, l'art rupestre de la periode libyco-arabo-berbere evolue dans le meme sens que la sculpture traditionnelle, vers l'ideogramme a travers la stylisation et le schematisme. Des elements de stylisation, de schematisation apparaissent periodiquement dans l'art de la periode des chasseurs et pasteurs, mais ce n'est qu'a la phase terminale qu'il atteint une qualite nouvelle, l'ideogramme dont se degagent en certains cas, on le sait, les signes de l'ecriture. Rappelons dans ce contexte, qu'au debut de la periode coloniale de nombreuses cultures traditionnelles de l'Afrique Tropicale se trouvaient a la veille de l'apparition d'une ecriture. Remarquons egale-ment certaines analogies entre l'art rupestre et l'art traditionnel (voir, par exemple, les person-nages assis «cubistiques» des petroglyphes de Es Souk, d'Adrar Iforas) et la sculpture des Tellem-Dogons; les silhouettes «ondulees» des personnages dans les peintures parietales du Tassili et les profils des statues senoufo, mossi-fulse, fang, baoule et autres; les person­nages «bitriangulaires» de Г Air, du Fezzan et les dessins sur calebasses bozo, foulbe; la representation double des membres de la peinture parietal e du Tassili, du Hoggar et d'autres regions du Sahara et le meme procede exactement de representation des membres des abbias camerounais ; la forme de la «croix saharienne» et les statuettes mboulou des Bakota; la forme des masques de la peinture rupestre d'Aouanrhet au Tassili et les masques kpelie senoufo; les tetes des personnages dits «a tetes rondes» du Tassili et les masques plats abstraite bateke, etc., etc.). De telles analogies ne peuvent etre fortuites, car elles portent sur des particularites tres specif iques. Et malgre tout nous n'estimons pas possible d'en tirer des conclusions un tant soit peu affirmatives et nous partons de ce que le rapport entre l'art rupestre de la periode pre-libyenne et l'art traditionnel de l'Afrique Tropicale s'exprime non pas en une continuite directe mais en une succession stadiale, en ce sens que l'art de la phase terminale de la periode pastorale est conside­re comme une etape de developpement arti­stique, precedant sur le plan stadial les phases initiales de l'art traditionnel (ce qui, en outre, est confirme, nous l'avons note, par le de­veloppement ulterieur de l'art rupestre lui-meme).

Il decoule de ce qui a ete dit plus haut que la periodisation de l'art africain doit partir d'une stratification stadiale du materiel disponible et, par consequant, obeir aus schema suivant:

I stade: Epoque de la commune primitive

1re periode: Art des chasseurs

2e periode: Art des pasteurs

II stade: Epoque de formation des classes

1re periode: Art des nomades et des agriculteurs-chasseurs

2e periode: Art des nomades, des agriculteurs, des pasteurs

III stade: Societes de classe a leurs debuts

1. Art des artisans de cour

2. Production artistique d'ateliers specialises

IV stade: Epoque moderne

Les chapitres II a V sont consacres a 1'analyse de chacune de ces etapes.

Le II chapitre retrace la genese et revolution des premieres formes de Fart rupestre.

Les plus anciens monuments de l'art rupestre (monts de 1'Atlas, Fezzan, Tassilin d'Ajjer, Tibesti) sont surtout representes par des figures isolees qui montrent quelques particularites propres aux representations des cavernes de la periode d'Aurignac. Plus tard le style des representations change, des series de meme type, des representations de paires d'animaux apparaissent.

Vers la fin de la periode des chasseurs et le debut de la periode des pasteurs un interet se manifeste pour la facture, la technique de la representation, qui conduit au developpement - de nouvelles qualites, la polychromie et la perspec­tive. En peinture apparaissent des compositions complexes, des sujets narratifs, Fattention se deplace des objets au lien qui les unit, done Faction comme telle (chasse, combat, danse etc.). L'apogee de la peinture rupestre de la periode des pasteurs se place a peu pres au milieu du IV-eme millenaire avant J.-C. Vers le milieu du Ill-erne millenaire apparaissent des signes evidents de stereotypisation. Apartirde ce moment qui coincide avec le debut de la derniere periode de secheresse au Sahara, Fart rupestre temoigne d'un renforcement progressif de la tendance a la stylisation, ensuite a la schematisation. L'art plastique est peu a peu

Peinture rupestre, petroglyphes. (VIII-II millenaires avant J.-C.)

Peinture rupestre, petroglyphes, sculpture (I millenaire avant J.-C. - II millenaire apres J.-C.)

Art rupestre, sculpture traditionnelle, arts appliques. (XVII-XX ss.)

Sculpture, peinture, arts appliques. (II millenaire apres J.-C.)

Art traditionnelle et desacralise,pro­duction artistique de masse, toutes les formes de Fart professionnel contemporain. (Fin du XIX - XX ss.) prive d 'expressivite figurative en meme temps qu'il se libere des variations de la creation individuelle. Vers la fin de cetteperiode (milieu du II-е millenaire avant J.-C.) les representations a un seul sujet (homme, differents types d'animaux, habitat etc.) acquierent definitive-ment un caractere monotype, se transforment en ideogramme.

On examine dans le 2-erne chapitre la phase finale du developpement de Fart rupestre (I er-IIe millenaires apres J. -C.) et les principales tendances du developpement de la sculpture traditionnelle.

La culture de Fepoque de la formation de classes a un caractere transitoire. C'est la culture d'une periode preetatique et en meme temps prescripturale. Ce dernier point est particulierement important pour comprendre la specificite du processus artistique, de ses principales tendances qui se manifestent egalement dans l'art rupestre (II-III millenaires apres J. -C.) et dans la sculpture traditionnelle.

Le materiau de l'art rupestre permet de suivre la serie des etapes de ('evolution des formes graphiques de l'image au signe. A partir de Fanalyse de la sculpture nous avons une idee des voies de 1'evolution de Fideogramme plastique.

Le dernier stade du developpement de Fart rupestre du Sahara, de la vallee du Nil, de 1'Ethiopie, de l'Afrique Orientale, du Cameroun, du Zaire, du FAngola et des autres regions du continent est represente par des dessins schematiques, des representations non figuratives et des signes d'ecriture. La seule exception est l'Afrique du Sud, ou la peinture rupestre conserve des tendances naturalistes (cf. divers aspects de la culture des aborigenes sud-africains).

Dans une derniere etape la schematisation atteint un niveau tel que les representations a un seul sujet ne se distinguent presque pas qualitativement les unes des autres (du point de vue stylistique se distinguent plus ou moins deux types de dessins : les geometriques a lignes courbes et les geometriques a lignes droites). C'est par convention qu'on peut appeler dessins ces representations-signes. Leur fabrication est assimilee a un acte rituel.

Un exemple typique de formes schematiques tardives est donne par les representations rupestres des dogons, qui jouent unrole important dans les ceremonies initiatiques. Les analogies et parfois meme le lien direct entre representations rupestres et sculpture sont attestes par de nombreux parallelismes de styles et de sujets (certaines formes de masques, par exemple kanaga; precede de representation de la silhouette humaine etc.).

Pour autant que les monuments anciens conserves permettent d'en juger, mais aussi d'apres les couches archaiques de 1'art traditionnel, 1'evolution de la sculpture dans ses grands traits suit la meme tendance que celle de l'art rupestre. Les formes de la sculpture traditionnelle la plus tardive atteignent un niveau de l'ideogramme plastique comparable au niveau des representations ideographiques rupestres tardives. D'autre part la stylisation modere de la sculpture africaine la plus ancienne (Nok) correspond avec une frappante exactitude au « niveau de stylisation des representations rupestres de la meme periode (debut du Ier millenaire avant J.-C).

En examinant les premieres couches devolution representees par la sculpture Nok, mahan jafe, sherbro-nomoli, pomdo et enfin tellem-dogon, nous avons essaye, autant que le permet le materiau, de reconstituter le processus de 1'evolution des formes plastiques. En reconstituant la suite des etapes de 1'evolution de la sculpture, nous avons abouti a la conclusion que la sculpture qui represente la phase ancienne est caracterisee par un relatrf naturalisme, par 1'absence d'elements zoomorphiques et fantasti-ques, par la tendance au maintien de proportions proches du naturel. En meme temps on remarque deja ici une tendance a 1'unification de certains elements plastiques (il ne faut pas perdre de vue que les plus anciens monuments de la sculpture dont nous disposons ne sont pas, dans l'absolu, tres anciens). Par la suite l'analyse des series typologiques fondamentales, rep­resentees par la sculpture mahan jafe, nomoli, pomdo, tellem, dogon etc. montre que les tendences de 1'evolution des formes plastiques revelees par 1'evolution de l'art rupestre deter-minent egalement les parametres essentiels de 1'evolution de la sculpture.

Prenant compte du haut degre d'homogeneite de la culture primitive conside-rons les traits non-specifiques de la structure artistique des monuments du cercle nomoli-pomdo comme invariants pour la couche d'evolution donnee (cf. les statuettes de cerami-que maliennes, les figurines funeraires agni, les tetes de terre cuite ashanti, l'ancienne statuette de Djimon (Cameroun), les reliefs anthropomorphes de la culture Kisale, les statues de pierre d'Ore, la sculpture d'Ezie etc.). Tous les monuments, qui sont nettement plus ancienes que les plus vieux exemplaires des objets d'art traditionnels en bois, sont caracterises par un anthropomorphisme complet et un relatif naturalisme, c'est a dire par les memes traits que ceux qui distinguent la sculpture mahan jafe, nomoli et la premiere periode pomdo de formes plus evoluees, representees notamment par la sculpture dogon. Nous considerons l'art des dogons comme un exemple qui donne idee des particularites structurales de l'art traditionnel, art qui represente le processus artistique de la derniere phase du cycle primitif. Ceci est valable du point de vue le plus large comme du point de vue le plus etroit: l'art dogon (comme tout autre) reflete des traits caracteristiques d'une phase donnee du processus artistique en general, dans un sens oecumenique, et des traits qui disting­uent dans une certaine mesure l'art des peuples d'Afrique noire de l'art des autres peuples se trouvant au meme stade devolution. D'un point de vue plus etroit, cet art reflete les particula­rites unissant les ecoles artistiques de la region et enfin il possede ses propres traits specifiques.

Comme il a ete dit, 1'evolution de la sculpture traditionnelle a deux aspects: diachronique et synchronique. Nous rattachons au premier la notion de deformation quantitative, au second celle de deformation qualitative. L'evolution diachronique des formes plastiques est caracterisee par l'eclatement de la forme par son erosion particuliere, par la mise a nu de la structure morphologique, par la multiplication des traits conventionnels. Les lois del'evolution diachronique ont un caractere universel et sont en rapport avec les elements substratiques communs a chaque tradition artistique par­ticuliere.

A l'inverse, 1'evolution synchronique con-cerne les traits specifiques de l'art local, elle se developpe dans l'espace (au meme moment) et s'exprime en des changements a qualitatifs particuliers qui se manifestent quand on passe d'une ecole artistique a une autre, d'un ensemble a l'autre. Autrement dit, les foyers artistiques locaux de l'Afrique Tropicale sont lies non seulement au niveau d'un schema substratique -neutre (unite de la technique, du materiau, des genres d'objets artistiques, des sujets etc.) et de certains traits stylistiques caracteristiques et constants, propres a l'art negro-africain en general. Si forte soit l'originalite des ecoles locales, elles son mutuellement liees et leurlien apparait a l'analyse des particularites les plus specifiques de chaque style pris separement. Un examen attentif montre que ce sont precisement ces particularites specifiques qui deviennent 1'objet de mutuelles influences. Cette influence mutuelle directe, l'interpenetration de certains foyers et ecoles artistiques, leur interconnexion et, en fin de compte, les influences mutuelles au niveau de toute la region nous ont convaincu que l'art traditionnel de l'Afrique Tropicale doit etre etude non seulement au niveau des ecoles artistiques locales, mais encore comme un systeme dans son ensemble, ou plus exactement comme un supersysteme. Ce supersysteme est, premierement polycentrique puisqu'il est com­pose d'une multitude de systemes s'interinfluejncant, organises hierarchiquement (foyers artisti­ques), deuxiemement, il est a plusieurs niveaux puisqu'il reunit des systemes et sous-systemes inegalement evolues (centres artistiques, styles, sous-styles). Ses tendances integratives sont determinees, en dernier ressort, par des facteurs evolutifs et ecologiques, par le reseau complexe des contacts intertribaux.

L'evolution synchronique, en revelantle tableau d 'ensemble du spectre artistique - fusion d'un style dans l'autre, d'une tradition artistique dans l'autre - montre les moyens d'interaction des parties du systeme, les formes et moyens de transmission de 1'information entre elles.

Dans le cas de l'art traditionnel l'approche par la notion de systeme, qui implique qu'on respecte l'integrite de 1'objet dans le cours meme de son etude, est la seule possible. Aucun essai de reconstitution retrospective locale du processus artistique sur critere ethnique ou territorial ne saurait etre valide du fait des changements rapides de ces criteres (intensite des processus de socio - et d'ethnogenese).

L'art de cour dont l'apparition et revolution sont examinees dans le 4 e chapitre se constitue integralement sur la base des formes evoluees de la culture artistique traditionnelle. Ceci est directement montre par des formes transitoires telles que les reliefs representant des sujets historiques (baoule), les galeries de statues de chefs (bamileke), des varietes de sculpture traditionnelle humanisees et partiellement desacralisees (yoruba, baluba, bakuba), qui possedent a la fois les particularites de l'art traditionnel et celles de l'art de cour. L'art de cour des artisans professionnels (notamment l'art Ife et du Benin) represente le stade de plus avance qu'ait atteint a l'epoque precoloniale la creation artistique des peuples de l'Afrique Tropicale.

Dans les premieres societes a classes, la production d'objets d'art devient 1'affaire d'artisans specialises. II s'agit d'une creation artisti­que non encore individuelle mais deja profes-sionnelle. L'art de cour est jeja totalement oriente a 1'intention des spectateurs. Outre ses fonctions religieuses, ideologiques, politiques etc.cet art exprime clairement une fonction esthetique (a vrai dire, encore etroitement Нее avec 1'idee de prestige du pouvoir supreme). L'apparition de diverses representations individuelles, у compris le portrait realiste, le developpement de sujets narratifs, notamment historiques, montrent egalement que sur le plan le plus general, conceptuel, cet art n'est deja plus radicalement different de l'art contem-porain.

Au cours de la nouvelle etape la ligne generale du processus artistique depend de toute une serie de facteurs. Parmi eux un role particulier revient a la phase du developpement socio-economique avec ses institutions coorespondantes. II devient evident que durant cette etape devolution artistique, aspect parmi d'au-tres du processus culturo-historique, est liee aux changements de la structure socio-politique, notamment a la centralisation et a la decentral­isation du pouvoir, a son caractere sacre ou profane, avec l'ideologie ou le systeme de representations collectives correspondant. En meme temps, a cote du transitoire, les lois internes permanentes restent en vigueur, qui de facon immanente dirigent le processus d'evolu-tion des formes artistiques. Bien que dans l'ensemble les complexes de l'art de cour (Ifё-Benin) de developpement suivant une ligne de renforcement des aspects decoratifs, la structure purement plastique temoigne de la tendance connue a la cristallisation, a la geometrisation, a l'eclatement et a la stereotypisation de la forme artistique.

L'art de cour a joue un certain role historique, en approfondissant les processus de 1'evolution historique, en elargissant la sphere des fonctions humanitaires de l'art. Comme le montrent les exemples du Benin, du Dahomey etc... cet art, etroitement lie a la superstructure, disparait avec elle.

En passant a l'epoque contemporaine (5 e chapitre), on note le fosse profond qui separe le passe recent de l'Afrique de son present. La creation dans les arts plastiques des pays independants de l'Afrique est representee par trois directions: varietes modernises de l'art traditionnel, industrie d'art, creation individuelle et professionnelle.

II est naturel que l'etape actuelle soit marquee dans le processus de 1'evolution artistique par le role predominant de la creation artistique professonnelle. Le plus grand probleme actuel, de ce point de vue, est celui de la transmission de l'heritage, d'ou, d'un cote, des tentatives de restauration d'elements culturels voues a la disparition, et, de l'autre cote, un rejet total de l'heritage culturel autochtone, avec une approche non critique de l'ensemble de la culture moderne «occidentale». Sous leurs formes extremes ces tendances s'expriment, d'un cote, dans l'idee de la superiorite, du caractere exceptionnel de la culture artistique africaine (ce qui, en derniere analyse, s'exprime dans les recherches d'un «style typiqement africain»), de l'autre, dans une attitude de complete indifference a l'egard des problemes de la creation culturelle dans le pays considere.

L'analyse montre que la modernisation de l'economie et des structures sociales conduit inevitablement a des changements correspon­dant dans la sphere culturelle; que la fosse entre l'ancien et le nouveau est trop profond pour permettre une filation directe.

Mais indirectement la filiation entre la culture artistique traditionnelle et l'art individuel professionnel est maintenue grace a 1'intercon­nexion d'une serie de formes artistiques modernes (varietes modernisees de l'art traditionnel, artisans-professionnels, industrie d'art, ecoles artistiques sur la base de l'industrie d'art, artistes professionnels formes dans de telles ecoles).

En conclusion sur les resultats de Г etude, nous noterons certaines importantes particularites de 1'evolution de la typologie de la creation traditionnelle et artisano-professionnelle dans les arts plastiques.

Dix millenaires devolution de l'art rupestre montrent que le naturalisme initial, primitif, possede une enorme potentialite evolutive du point de vue de l'approfondissement, du de­veloppement de la tendance naturaliste - eclatement de la forme, sa concretisation, son individualisation. Mais a chaque stade ces possibilites ne sont que partiellement realisees, selon le niveau de developpement de la consci­ence artistique. A une certaine etape la represen­tation cesse l'etre corrigee par la nature, les formes sont progressivement stylisees, canonisees, puis survient leur eclatement, une cristallisation de la structure artistique, ce qui, en derniere analyse, conduit a tel ou tel degre de schematisme. Puis suit un retour a la nature et le processus se repete. Alors dans la phase naturaliste apparaissent de nouveaux signes d'une representation plus adequate, precise, plus complete de la nature, la deuxieme partie du cycle approfondissant la tendance a la generalisa­tion, perf ectionnant les procedes de stylisation. On peut remarquer que le glissement vers l'abstraction se produit en regie generale lente-ment alors que le passage au naturalisme semble pouvoir revetir le caractere d'une mutation.

En etudiant des complexes varies de l'art traditionnel, nous parvenons a la conclusion que la base du processus artistique reside ici dans la repetition, la regularite, le rythme, qui garantissent la possibilite de filiation, de mise en ordre et en structure. Mais, comme nous l'avons vu, les elements les plus resistants de ce systeme visant a la conservation, et dont la fonction essentielle est la stabilite, sont a leur tour soumis a une transformation.

L'evolution de certains elements du systeme est inevitablement Нее a la transformation d'autres elements. II est d'ailleurs difficile de trancher sur ce qui ici est anterieur: la cristallisation des representations mythologi-ques, leur evolution passant du concret (un monarque bien reel, un chef de tribu etc.) a l'abstrait, a Гarchetype (heros culturel, premier ancetre etc.) ou bien la stylisation progressive de la representation du meme ancetre, 1'eclatement de la forme artistique, son evolution du concret a l'abstrait. Quel que soit la nature du rapport, il est evident que dans le cycle primitif traditionnel les formes ideographiques conventionnelles sont partout un produit de 1'evolution.

Au cours de 1'analyse du materiau de l'art, nous avons montre qu'au stade ancien corres­pond la structure artistique la plus homogene. Dans l'art rupestrede la periode des chasseurs les particularites regionales ethniques, individuelles sont estompees, alors que l'appartenance a une stade d 'evolution identique peut etre decelee partout.

Dans l'art tribal traditionnel, ce n'estpus seulement le stade devolution, mais aussi 1'element ethnique qui sont clairement exprimes. С'est cet element qui fait la specif ite des ecoles artistiques locales, les traits distinctifs des styles regionaux. A la difference de la creation dans les arts plastiques primitifs, qui est oecumenique, l'art traditionnel incarne les representations mythologiques d'ungroupe ethnique individual­ise dans une derniere etape de 1'evolution de l'art traditionnel, dans ses formes de la maturite et deja partiellement transitoires, apparait distinc-tement une tendance a 1'humanisation de l'activite artistique qui marque une nouvelle etape de 1'evolution de la conscience. L'analyse montre que с'est precisement cette tendance exprimant la sapientisation, le processus d'elar-gissement et de differenciation de la sphere de conscience, qui se trouve etre predominante au cours de toute 1'histoire de 1'evolution artistique.

Les dix millenaires de 1'evolution de l'art plastique africain refletent clairement la succes­sion de ce processus. Au debut apparition du monde animal se separant du contexte de 1'environnement objectif (epoque primitive, Ire periode) puis prise de conscience des relations homrae - animal (IIme periode) puis surgisse-ment des groupes ethniques, individualisation d'un ethnos par rapport a l'autre (epoque de la formation des classes) et enfin avec 1'apparition des premiers Etats ce sont les rapports de 1'homme au corps social qui sont penses ; les premieres representations personnifiees apparaissent: heros culturels, monarques divin­ises. Cette derniere periode est deja le signe du passage du collectif, du non-professionnel a 1'atelier, a la creation des artisans professionnels. Ses formes modernisees se rapprochent ulterieurement du commerce artisanal, avatar de l'art traditionnel populaire et dans cette nouvelle fonction elles subsistent jusqu'a nos jours (industrie d'art moderne).

L'apparition d'une creation artistique individuelle et professionnelle dans les pays d'Afrique est conditionnee par 1'introduction generale de tous les genres de l'art plastique moderne: pictural, monumental, decoratif. Ces genres corrrespondent au nouvel ordre socio-economique, au stade actuel du developpement culturo-historique.